Voyage au goulag/ journey to the gulag

Voyage au goulag/ journey to the gulag

 

 

 

 

 

 

I thank with gratitude the Museum of Karelia, Petrozavodsk and its director Dr M. Goldenberg as well as Anne Brunswic for their cooperation in releasing photos of the Belomor Canal taken in the 1930s which have been of great inspiration to me.

Je remercie avec gratitude le Musée de Petrozavodsk, en Carélie et son directeur Dr M. Goldenberg ainsi qu’Anne Brunswic pour leur coopération dans le partage de documents photographiques sur le Canal de Bélomor des années 1930 qui m’ont servi d’inspiration.

Je me suis vite rendue compte qu’on ne pouvait pas partir dans un lieu comme la Russie sans avoir préalablement fait des recherches historiques. De la Russie j’en connaissais déjà l’histoire de la Révolution Russe ; les famines organisées, la Terreur, la Révolution qui mange ses petits mais de la Carélie pas grand-chose. C’est vers la fin de ma résidence que je me suis rendue compte en traversant les étendues désolées caréliennes et d’Arkhangelsk à quel point nous marchions sur les os brisés des zeks, des prisonniers politiques bannis et oubliés. « Grattez un peu et vous trouverez les os des fusillés » disent les habitants de Solovki. J’étais au cœur du goulag, celui décrit par Alexandre Soljenitsyne.

C’est là que je me suis rendue compte qu’il y avait une partie de l’histoire qui demeurait invisible. Cela m’amène à m’intéresser à la part d’invisibilité de l’histoire à travers le monde. De ces vies qui ont été vaincues et rendus inaudibles par des couches d’histoires transparentes et non racontées… couvertes par les mensonges terribles et les mensonges par omission. Par ces souffrances qu’on préfère recouvrir d’un voile pudique ou pire encore qu’on conteste.

Au départ c’est un livre de mécanique avec des dessins naïfs de 1960 trouvé sur un dépôt d’ordures dans la ville martyre de Medvezgorsk qui déclenchera ce désir de découper à vif ce temps qu’à passé ce système à broyer les vies des Hommes. Le parallèle avec la mécanique me semblait être une métaphore visuelle parlante.

D’autres livres jaunis, parlant d’histoires d’hommes morts assassinés, passés par ce goulot d’étranglement qu’était le goulag, cette broyeuse d’humanité qui déchiqueta tant de vies. Des vies d’hommes, de femmes ; simples, brillants, riches, pauvres, pieux et athées, tous entrés dans l’enfer blanc du goulag et qui devinrent des saints ou des loques à la sortie. Ce livre, J’ai choisi la liberté de V. Kravchenko, comme matière vivante, toile de fond en l’honneur des Hommes passés par cet abîme.

LA GRANDE ŒUVRE NOIRE
La grande œuvre noire sculptée par découpage décrit cette immense machine à broyer la volonté humaine qui « par une main de fer amènera l’humanité vers le bonheur » tel que l’exprimait la devise du camp de Solovki. La machine qui détruit et qui recrache des os et des volontés réduites à l’instinct de survie seulement. Les lettres éparpillées tracent le chemin de la mémoire du monde.
J’ai travaillé sur cette mémoire vacillante, cette petite flamme qui refuse obstinément de s’éteindre malgré les couches de propagande, d’édulcoration et désinformation, malgré les couches d’oubli plus confortables ou pire encore la glorification de cette époque par des parades vantant des mensonges éhontées.

A ma petite échelle c’est un geste politique de détourner les plans d’une ville, un geste subversif par la réhabilitation de noms de martyrs du Goulag et l’exécration d’autres responsables de persécutions qui figurent encore aujourd’hui sur les plan de la ville de Petrozavodsk ; de transformer aussi le plan du Canal de Belomor conçu par Staline, causant la mort futile de 20 000 innocents en Canal de L’Esprit pour expier cette tache sanglante sur l’histoire ; de mettre à l’honneur le pavé déchirant de feu Viktor Kravchenko, héros suicidé et l’autre d’Alexandre Soljenitsyne, deux livres décrivant l’univers carcéral qu’ils ont survécu et leur héroïsme de lanceurs d’alerte et de témoins.

Les photos parlent d’elles-mêmes. Elles sont narratives, un peu glaçantes. Il y a une voiture bâchée prise devant le siège local du FSB (nouveau nom du KGB). C’est donc sur la voiture que se concentre l’appareil pour mieux parler de ce qui se passe derrière les murs épais du siège situé à Andropov Ulitsa aux lourdes portes blindés… Il est de même pour les autres photos, parlant avec retenue et par codes des tragédies de la période communiste.
J’aime bien cette métaphore pour la subversion par le biais de code. La connotation d’un objet par son pouvoir symbolique. Sous le Communisme, l’art a perdu toute signification esthétique et a été transformé en un moyen mécanique de propagande.

Ma démarche est de détourner cette propagande en utilisant un langage visuel délibérément constructiviste issu de ces années là (1920-50) pour révéler l’artifice et dévoiler ce qu’elle est réellement. C’est ce que je souhaite créer au travers des pièces décrites.